" C'est la plus belle vue de côte maritime que je connaisse. Au retour, effet de soleil couchant admirable. Le Coudon se décoiffe et se dessine en opale sur le ciel. La mer est rose puis lilas rose avec des tons gris perle. Le ciel est en flocons de nuages cerises. C'est magnifique. " Extraits du journal du 24 février 1861.
Une côte d'Azur ottomane, qui sied particulièrement bien à George Sand, si orientale dans son caftan rayé, photographiée par Nadar.
La maison louée par George Sand, version italianisante |
Hier |
" La nature riait par tous ses pores. Les cistes blancs à fleurs roses, les ornithogales d'Arabie, les gentianes jaunes, les scilles péruviennes, les anémones stellaires, les jasmins d'Italie, les chèvrefeuilles de Tartarie et du Portugal croissaient pêle-mêle à l'état rustique, indigènes ou non, sur la colline de Tamaris devenue un bouquet de fleurs ".
Aujourd'hui |
Sa flamboyance recouvrée, elle rencontre des personnalités locales, et malgré sa soif de solitude et de tranquillité, cède à ses obligations mondaines et reçoit les visiteurs, souvent prestigieux, qui la sollicitent. Elle se passionne pour la marine à vapeur, monte à bord de bateaux, se renseigne sur la propulsion à hélice, l'armement des navires de guerre, visite des arsenaux, découvre le rude travail des marins et des ouvriers de la construction navale.
Cette convalescence idyllique n'entraîne pas la perte de sa lucidité, et sa vision de la surenchère immobilière qui sévit déjà, est prophétique de l'avenir de la jolie colline de Tamaris, pour l'heure encore sauvage et préservée.
"On achète toujours et on bâtit partout. Il en résulte une telle division de la propriété que la terre sera absolument nulle comme rapport et que la campagne disparaîtra sous une ville à jardins, garnissant toute la côte. Ce sera plus fructueux puisqu'on pourra toujours vendre, louer et gagner sur son marché, mais avec leur système de bâtisse ce sera horriblement laid ". Journal du 16 mai 1861.
Elle a pourtant de la peine à s'en aller, à s'arracher à ce paysage de tempête, d'arbres tordus et de fleurs vivaces. Le souvenir de son séjour nourrit l'intrigue de deux romans Tamaris, La Confession d'une jeune fille et d'une pièce de théâtre Le Drac mais elle ne revint jamais habiter Tamaris qui garde encore comme le doux parfum de son passage, libéré dans un bruissement de faille et de soie, même si George Aurore fumait la pipe et portait facilement bottes et pantalons.
La maison où elle demeura durant ces quelques mois, " petite, badigeonnée en jaune rosé à la mode du pays, couverte en tuiles courbes, six fenêtres de façade contrevents verts " fut vendue en 1880 et transformée selon le goût antique. Frontons, corniches et pilastres furent rajoutés en ornements sur la façade pour l'enoblir, et en 1889 elle fut baptisée Villa George Sand, en l'honneur de son illustre occupante. Un médaillon de terre cuite figurant son portrait fut apposé sur le fronton central. Démolie en 1975, pour laisser la place à un projet immobilier glouton dénué du moindre charme, seul subsiste de la maison le médaillon, conservé dans le petit musée du fort Balaguier, dressé en sentinelle quelques mètres plus loin, dans une boucle de la petite corniche sur le front de mer.
Notule : le journal de George à Tamaris, Le Voyage dit du midi, écrit du 19 février 1861 jusqu'au 29 mai, jour de son départ, vient tout juste d'être réédité par l'association Livres en Seyne.