La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

samedi 29 mars 2014

Complètement secoué !


Une nouvelle découverte agite le monde scientifique depuis le 17 mars. Des astrophysiciens américains, du centre Harvard-Smithsonian, Massachusetts, ont détecté des  « ondes gravitationnelles primordiales »,  en clair les premiers ébrouements de l'Univers, échos d'une naissance cosmique datée de 14 milliards d'années. Ainsi l'Univers né d'une explosion, le fameux Big Bang, aurait connu ensuite une colossale expansion, qui accréditerait la théorie de l'inflation cosmique, née dans les années 70. Les secousses, générées par cette dilatation durant laquelle la matière s'agglomère, produisent des ondes, comme un caillou lancé dans la mare, dont la résonance perdure, séquelle dans le rayonnement cosmique. L'engin méga costaud qui a permis cette captation porte un nom dont les initiales réunies signent les mâles prouesses : le télescope BICEP2, installé en Antarctique, lieu idéal pour une observation optimale de l'espace, moins perturbé par les émissions parasites de notre galaxie.
Cette découverte a encore besoin d'être confirmée, qui relierait la théorie de l'inflation aux intuitions d'Einstein concernant l'existence d'ondes gravitationnelles, émises dans sa théorie de la relativité en 1918. Le champ des expérimentations s'ouvre de plus belle, et des réponses seront peut-être bientôt trouvées, concernant la formation des galaxies, la naissance des planètes, l'origine de la vie. Wahooo !
Nous devons la présomption du Big B à Alexandre Friedmann (1888-1925). De la substance fondamentale, chauffée à blanc, composée de neutrons et protons, émerge un coeur bouillant d'Univers, l'astronome Chandra Wickramasinghe parle d'une graine, qui se dilate, se fragmente... une sorte de gloubi-boulga secoué qui crache des grumeaux comme autant de boulettes de matière ! Comme la théorie du Big Bang prévaut, forcément l'interprétation des découvertes la renforce la plupart du temps. Pourtant de nombreux chercheurs émettent d'autres propositions, qui fragilisent le modèle de référence, qui de toutes les façons, ne répond pas à de nombreuses questions.
Par exemple, l'existence du fond diffus, un rayonnement de l'Univers uniforme, est majoritairement interprété comme la trace de l'explosion originelle. Pour Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe, cette empreinte lumineuse serait causée par des particules de fer chauffées au rouge dans la fine poussière des supernova après leur désintégration, qui rencontrent la chaleur et la lumière d'autres étoiles.


Selon la théorie du Big B, toutes les galaxies, formées au même moment, devraient être de très vieilles dames sensiblement du même âge, environ 14 milliards d'années. Or, certaines sont bien plus anciennes, et d'autres encore, très nombreuses, sont des jeunettes. Mais comment expliquer ce phénomène ?
De même, l'expansion originelle, pour atteindre l'état actuel de l'Univers, n'a pas pu se produire dans l'état de la matière tel que nous le connaissons aujourd'hui, qui ne peut se développer à cette échelle. La matière s'est-elle transformée pour croître, et comment ?
L'Univers est-il infini, en perpétuel essor, ou bien fini (même si ses bords ne sont pas visibles) et stable, connaissant des phases de dilatation et de contraction successives ?
Une théorie passionnante est celle de l'Univers stationnaire. En 1948, Fred Hoyle, Thomas Gold et Hermann Bondi émettent l'hypothèse d'un Univers en croissance constante, équilibrée par des pertes proportionnelles. Sans commencement ni fin, la matière se crée et se détruit sans cesse, en autant de petits bang, et maintient une densité stable.
Est-il concevable que l'Univers soit né au moment du Big B ? Si l'on conçoit une origine, que pouvait-il bien y avoir avant ? Une création est-elle possible à partir de rien ? Comment et où s'est manifesté la vie humaine ? L'état stationnaire suppose que l'Univers a toujours existé sous la même forme. Cette théorie, très largement boudée par la communauté scientifique, rejoint la conception bouddhique du cosmos, éternel et infini, soumis naturellement à des cycles de disparition et de naissance. Cette vie fondamentale sans cesse renouvelée du macrocosme anime en même temps chaque vie individuelle. Vision holistique, dans laquelle le cosmos intérieur participe de la même vie universelle que l'Univers.
Et si la conception orientale venait au secours d'une vision du cosmos limitée, empreinte d'un héritage judéo-chrétien, et ouvrait des perspectives plus larges à la recherche cosmologique ? Un thème passionnant abordé dans le livre Bouddhisme et science (Ed. L'Harmattan),  par deux personnalités qui confrontent leurs points de vue. Chandra Wickramasinghe, astronome, qui a développé avec Fred Hoyle une théorie de l'origine cosmique de la vie, et Daisaku Ikeda, bouddhiste japonais de l'école de Nichiren, président du mouvement Soka Gakkai Internationale, impliqué dans de nombreux dialogues avec des personnalités qui pensent le monde, historiens, scientifiques, philosophes et politiques.
Les spéculations sur l'origine de l'Univers et de la vie n'ont pas fini de secouer les cerveaux les plus éminents et ceux des néophytes, passionnés, comme moi, par les questions fondamentales des origines de l'humanité et de son devenir. Même si j'en bave au cours de Pilates dans l'objectif futile de retrouver des abdos joliment dessinés, cet été, sous la peau en strech de mon maillot.

mardi 11 mars 2014

Ames soeurs

Je me suis arrêtée sur le travail photographique de l'artiste allemand Marcus Hansen, la série Other people feelings are also my own, 2001-2006.


Son portrait est systématiquement juxtaposé à celui d'une autre personne. La prise de vue est frontale, libérée de tout artifice, et s'arrête aux épaules, imitant en cela la photo d'identité officielle en vigueur sur nos passeports ou nos permis de conduire. Les regards happent le spectateur, captent son attention. Le trouble naît du fait que l'expression de l'artiste dans son port de tête, son regard, sa bouche... semble identique à celle de l'autre personne photographiée, qui devient comme son double. Le mimétisme fonctionne, encore accentué par les mêmes vêtements, quel que soit le sexe, l'âge, l'origine. Imitation virtuose, communion des sentiments, ou rapt intime qui nous prend à témoin ?
Cette captation émotionnelle, comme un souffle sur la surface tranquille des visages offerts, est de l'ordre de l'empathie, si l'on considère le titre donné à cette série de portraits. Tout en adoptant l'expression de l'autre, en la reconnaissant, l'artiste ne perd pas son identité, et ne dérobe pas non plus celle de son modèle. L'un comme l'autre restent singuliers, mais néanmoins se retrouvent semblables, parents. L'artiste reflète l'autre, sans disparaître, l'accueille sans s'effacer, avec respect. Se pénétrant de son apparence, et de ses émotions, il se révèle lui-même en cet autre, et le dévoile en même temps. « These portraits are how we inhabit each other, reside in each other, and how we always leave traces in each other ». L'inquiétude face à l'étrangeté de l'autre est abolie, son irréductible différence s'estompe, l'artiste véhicule du même, incarne le visage de l'autre, se glisse doucement dans sa peau, révélant le lien profond qui l'unit aux autres. L'artiste réussit à fixer cette profonde humanité qui est la nôtre, constellations d'émotions qui affleurent et nous touchent. Il n'est pas l'autre, mais son ego s'évanouit, et il rejoint son modèle, le ressent, le connait, et son être intime palpite à l'unisson.
Si le travail de Marcus Hansen interroge la relation à l'autre, plutôt que de réunir des différences, il choisit de refléter l'autre et ainsi gomme la séparation. L'autre m'est essentiel pour être moi, et je valide aussi son existence, nous partageons notre histoire et notre destinée. Notre identité commune révélée dans une rencontre presque tendre, confiante, visages miroirs de l'âme apaisée.


Un autre photographe, le canadien François Brunelle, réunit dans la série I'm not a look-alike, les portraits de personnes qui n'ont aucun lien de parenté mais qui présentent une ressemblance physique troublante. Aucun ne s'était rencontré avant la prise de vue, et certains couples n'habitent pas le même pays. Joyeuses, presque ludiques, les photographies sont mises en scène avec un parti-pris très esthétique, tirées dans un noir et blanc somptueux, empreintes de grâce, d'humour et de tendresse. Comme si leur ressemblance ne suffisait pas à les rapprocher, les modèles sont photographiés ensemble et réunis par des gestes d'affection, leurs bras enlacés, une main posée sur l'épaule ou sur la joue.







Le titre de la série de François Brunelle se traduit par Je ne suis pas un sosie et à contrario des images, met l'accent sur les particularités des modèles. En regardant avec attention, les yeux, le nez, la bouche sont évidemment différents, et pourtant la ressemblance s'impose. Tout le monde ne s'accorde pourtant pas sur ce point, les modèles ne se reconnaissent pas forcément dans leur double (une façon de protéger son altérité ?) et un certain nombre de personnes, face aux portraits, ne remarque rien qui puisse les rapprocher, au contraire. La ressemblance ne leur saute pas aux yeux, parce que le regard est avant tout subjectif, teinté par notre propre histoire. Si les Américains participent de bon coeur au projet de François Brunelle, heureux et amusés de rencontrer quelqu'un qui leur ressemble, les Français, attachés à leur individualité, semblent craindre une proximité qui pourrait menacer leur identité. L'artiste recherche toujours des modèles français pour enrichir sa galerie de portraits et réunir 200 couples pour finaliser son projet. Avis à ceux et celles que la rencontre enthousiasme, qui accueillent les ressemblances dans une révélation réciproque de leur identité humaine, partageant la même planète.
La phrase de Picasso, citée dans l'exposition Visages à la Vieille Charité à Marseille, révèle l'interrogation de l'artiste qui s'attache à traiter la figure humaine, sujet éternel de l'art.
« Faut-il peindre ce qu'il y a sur un visage, ce qu'il y a dans un visage, ou ce qui se cache derrière un visage ? »
Question ouverte, à laquelle les artistes proposent autant de réponses. Organisée autour de 3 thématiques, l'exposition organise la représentation de l'individu au cours du XXe siècle, influencée par les drames des deux guerres mondiales, et les mutations technologiques qui façonnent un monde déshumanisé (Visages de la société), reflet de l'âme inquiète ou sereine, personnalités éparses réunies ou disloquées (Visages de l'intime), construction mentale imaginaire, dévoilant fantasmes, violence des désirs et des rêves enfouis (Visages de l'esprit). A travers une centaine d'œuvres d'artistes majeurs du XXe siècle, Picasso, Bonnard, Magritte, De Chirico, Grosz, Ensor, Brauner, Basquiat, Warhol, Bacon, Ralf Gibson, Nan Golding... le spectateur explore le visage de l'humanité, chair souffrante, fantôme au bord de la disparition, masque anonyme ou miroir de l'inconscient.


Portrait d'homme à la face rouge. Jean Hélion 1943



Pour terminer le parcours en beauté, le musée d'Archéologie Méditerranéenne propose une sélection d'œuvres de l'Antiquité. Merveilleuses proportions de la statuaire grecque, abstraction des lignes et des volumes, je reste en admiration devant une idole des Cyclades, datée de 2500 avant J.-C. Le visage est doux et lisse comme un galet, seul affleure le nez triangulaire au centre du mystère, petite ombre soulevée dans l'énigmatique densité.