La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

mercredi 20 octobre 2010

Vieilles branches #1

Le pin devant la fenêtre de ma chambre a été taillé. Ses branches basses, lourdes de bouquets drus d'aiguilles vivaces, ployaient jusqu'au sol ( ah ! la saveur acide des pointes vertes écrasées sous la dent ). Le voilà métamorphosé, soudain plus altier. Le tronc massif est dégagé, et cette mise à nu salutaire dévoile la saignée des branches maîtresses. C'est émouvant, et... oui, érotique, la naissance offerte de la ramure, comme le pli de l'aine, ou le creux de l'aisselle.
Je nourris pour cette arbre une tendresse particulière. Comme il se dresse devant ma fenêtre, j'ai le sentiment qu'il veille sur moi, géant attentif et muet. Sa présence magnétique ne m'encombre jamais. Nous sommes entrés en conversation. Ses aiguilles sont si touffues qu'elles ondulent, et enflent, comme une houle frémissante, une palpitation vivante. Certaines personnes communiquent profondément avec les arbres, elles prétendent qu'ils ont chacun leur identité et qu'ils portent un nom différent. Les arbres acceptent parfois de le révéler, si on sait comment le leur demander, ou plutôt si notre évolution spirituelle nous donne accès à cette connaissance. Il semblerait que les arbres décident si nous sommes prêts, selon des critères mystérieux. Je ne sais pas juger la qualité de mon éveil personnel, mais mon enthousiasme m'a toujours poussée à tenter l'aventure, et mon intuition à aller chercher plus profond au-delà de la surface des choses. Je tiens à demeurer un coeur qui cherche. C'est aussi simplement dotée, avec en prime une bonne dose de maladresse chronique, que les arbres n'ont à l'évidence pas retenue contre moi pour m'exclure de l'expérience, que j'ai vécu à maintes reprises une histoire accessible à la majorité d'entre nous. Il suffit de prendre un arbre dans ses bras, et si l'on est un peu attentif, on entend quel arbre nous appelle. Son arbre tenu embrassé, il faut poser sa joue contre l'écorce, et entrer en communion. Moi,  j'ai le sentiment chaque fois de prendre la mer. Quelque chose dans ma poitrine se dilate et s'ouvre grand sur l'infini. Je l'affirme, aucun de mes chagrins n'a résisté à cette étreinte. L'arbre contacté l'absorbe, la dissout, et avec une profonde bienveillance transfuse son énergie. Combien de fois me suis-je détachée de mon pin élu consolée et rassérénée, emplie de gratitude?
Je m'imagine que mes désarrois sont autant de bouquets d'aiguilles dressés victorieux vers le ciel et de chatons fleuris gorgés de pollen fécond. Voilà mes peines éparpillées aux quatre vents, et mes désespoirs, portés par les graines ailées transparentes et légères, devenues semences de pousses prometteuses.
Depuis plusieurs jours déjà, le pin du jardin attend l'arrivée des étourneaux qui viendront nicher. Je partage cette attente avec lui, même si je n'ai pas pour vocation de me transformer en perchoir.  Et pourtant... L'arbre m'enseigne que devenir soi-même une branche solide, permettre à de drôles d'oiseaux de se poser, ou de s'envoler, est un destin très honorable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire