La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

samedi 25 septembre 2010

L'Italien monumental

Je suis allée voir une exposition qui m'a subjuguée, un choix de tableaux, des petits formats, trente, quarante centimètres le plus souvent, peints par Giorgio Morandi -1890-1964 - et proposés a l'Hôtel des Arts de Toulon. Quelques objets minimalistes, souvent les mêmes, un petit bol blanc, une carafe rondelette à long col, une boîte, un linge roulé en boule, sont simplement posés serrés les uns contre les autres, et les uns devant les autres, imbriqués. Il se dégage de ces compositions denses, de ces blocs compacts équilibrés et sages, une émotion intense. Le dénuement des objets, Morandi les utilisa toute sa vie, le décor réduit à sa plus simple expression, la surface offerte de la table, le fond nu, et l'espace qui respire, la palette humble, les gris colorés, transparents, légers comme un souffle, les ombres fines, ciselées... Un tel dépouillement pourrait sembler austère, guindé. Au contraire, la lumière est douce et caressante, la matière onctueuse. La même suite d'objets maintes fois reprise pourrait lasser. Il n'en est rien. L'intégrité et la rigueur de la démarche imposent le respect. Je suis restée captive de la présence énigmatique, hallucinatoire, de ces petits formats offerts comme des espaces de méditation. Le col de la petite carafe ventrue s'étire, entraînant vers le haut toute la composition, et en même temps, mon âme qui s'élève.
Nature morte 1963 ( 22 x 30, 5  cm )
Il y a une petite toile que j'adore... une sorte de boîte cylindrique ouverte, un peu pataude, blanche, et juste devant, la fameuse carafe ronde, noire, qui tend le cou avec élégance, et s'arrête au bord de l'ouverture de la boîte, un équilibre délicat, comme une respiration suspendue. Adossée contre la carafe, une moitié de coquille de noix. Trois objets, humblement juxtaposés en ordre de taille croissant, nous aspirent vers le haut, mais aussi vers le fond du tableau. Les ombres marquées affirment leur présence. Ils sont pourtant débarrassés du superflu, comme nettoyés, dégraissés, rendus à l'essentiel, leur structure nue. Le fond badigeonné, rétréci autour de la composition, ouvre un espace d'une ampleur étonnante dans un format aussi petit. La coquille de noix tient debout, tout tient toujours debout chez Morandi, et renforce cet équilibre impeccable qui s'impose sans la moindre affectation. Le vide dans la coquille dessine un coeur. En montrant le coeur d'une noix, le peintre dévoile l'essence des choses. Dans un détail sans importance, nous accédons à la beauté du monde, à sa générosité. J'imagine quel combat il faut engager pour s'arracher à l'illusion, pour se détacher du superficiel et atteindre cette profondeur, cette capacité à voir au-delà de la surface des choses. Morandi est un mystique, un moine recueilli dans la peinture comme dans un voyage intérieur.

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