La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

lundi 13 février 2012

Plouf plouf !

Lorsque j'étais môme, plouffer faisait partie de mes activités favorites, parce que ce rituel enfantin,  résolvait la plupart du temps le problème épineux du choix, de manière ludique et incontestable. Faire la plouffe, c'était scander une comptine, réciter une sorte de mantra en marquant nettement les syllabes sur chaque joueur. La fin de la plouffe tombait comme un couperet, et désignait le dernier participant, celui qui était " dedans ", le malheureux qui s'y collait, et le jeu pouvait commencer.
Les joueurs se réunissaient en rond, et le plouffeur, ou la plouffeuse, tapaient 2 ploufs de la main au centre du cercle pour donner le départ. La comptine se déclamait sur un ton chantant et péremptoire, le plouffeur pénétré de son importance ( seuls les leaders pouvaient plouffer et affirmaient leur pouvoir sur la troupe avec une introduction qui ne laissait planer aucun doute sur leur position dominante : c'est moi qui plouffe ! ).
Plouf plouf !
U-neu-gre-nou-yeu
Au-bord-d'un-rui-sseau
Bai-sseu-sa-cu-lo-tteu
Fait pi-pi-dans-l'eau
1-2-3-va-t-en !

En principe, personne ne pouvait discuter le résultat d'une plouffe menée par un leader, l'injonction finale était on ne peut plus claire,  mais si la contestation, très rare, s'élevait malgré tout, une seconde plouffe venait à bout de la rébellion. Le plouffeur en chef s'arrangeait, mine de rien, pour commencer le nouveau décompte sur la même personne que la première fois, entraînant automatiquement la désignation de la même victime, obligée de se résigner, face à l'acharnement du sort et l'autorité du plouffeur. Un stratagème grosse ficelle, de la triche abracadabra j't'embrouille, pour mettre " dedans " le souffre-douleur de la bande, qui n'était pas dupe, le pauvre, mais qui se conformait à son rôle d'éternel persécuté.

Plouf plouf !
Qui-a-pêté
Ca-sent-la-chi-co-rée ?
Bou-leu-deu-cheu-wing-gum
C'est-toi-qui-t'y-coll' !

Traité de péteur, fleurant bon la noisette, certes, mais le parfum agréable n'était pas une circonstance atténuante, et de suiveur visqueux à la ténacité importune, le malheureux était condamné  dans l'approbation générale. Il avait perdu, et se retrouvait tout seul, la bande ayant pris la poudre d'escampette pour se cacher, narquoise, se délectant de son désarroi.
Un dauphin, ou une dauphine, ne pouvait se retrouver en position de victime, situation qui aurait perturbé dangereusement l'équilibre du groupe. Une astuce permettait de contrer souverainement le coup du sort et d'annuler le résultat. La plouffe repartait, la décision du leader ayant force de loi.

Mais-la-rei-neu
Ne-le-veut-pas
Alors-ce-se-ra-toi
Qui-se-ras-le-chat !

Tant que la personne désignée n'était pas la victime agréée par sa Majesté et sa cour, la plouffe se perpétuait jusqu'à donner entière satisfaction.

Mais-le-roi-non-plus
Ne-le-veut-pas
Alors-ce-sera-toi-qui-iras ! 
( Bis et rebis )

Ma plouffe préférée, délicieusement absurde, était si mystérieuse que ses pouvoirs incantatoires semblaient décuplés. Le récitant de ce mantra semblait auréolé d'une puissance cosmique. Commençant par plouf, se terminant par plouf, la comptine se refermait sur elle-même, comme un cercle parfait. Et qui pouvait bien être le personnage invoqué ? Une héroïne ? Une princesse indienne ? Une experte de l'aérosol ?
Plouf plouf!
Une étiquette Marie Bombay
Tiplouf !

Et que pouvait bien faire une étiquette dans l'histoire ? Elle rejoignait au panthéon des incongruités enfantines, une vache qui pissait dans un tonneau et c'était forcément rigolo, un petit singe qui lavait son linge dans un encrier, et qui cherchait un buvard pour le sécher, 1, 2 un lapin sans queue, qui courait 3, 4 après un lapin sans pattes, et la Reine d'Angleterre, qui faisait pipi par-terre, alors que son fils Léon, toujours en caleçon, se caressait l'bidon...  Les exigences de la rime déterminaient des associations loufoques, qui faisaient pouffer de rire, la main devant la bouche, en se tortillant, surtout les filles, mais les garçons aussi.
J'imagine inventer des plouffes pour venir à bout de choix cornéliens, une love plouffe, pour décider entre deux amoureux, une shopping plouffe, pour choisir une paire d'escarpins, une holidays plouffe ( la mer ou la montagne cet été ), ou encore une plouffe électorale :

Plouf plouf !
Le peu-pleu-s'en-ga-geu
Le-temps-est-à-l'ora-geu
1-2-3-dé-ga-geu !








La neige est tombée il y a deux jours, tempête silencieuse de gros flocons, et ce matin le jardin est un décor de film muet en gris et blanc. Je joue dans le film évidemment, j'avance sous la neige, les yeux charbonneux, le regard extatique, et les mains jointes pour exprimer mon ravissement, protégées par de magnifiques moufles tricotées, dont le motif jacquard est à l'écran du plus bel effet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire