La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

lundi 20 février 2012

Dans mes bras !

Je viens de  " rencontrer " tout un tas d'amies. Depuis 1973, en Inde, le mouvement Chipko enlace les arbres. Au tout début, un groupe de villageoises résistent de façon non-violente à la déforestation de leur région en prenant les arbres dans leurs bras pour s'opposer à l'abattage. Leur action porte ses fruits et entraîne peu à peu l'adoption de moratoires pour protéger les arbres, et s'étend à toute l'Inde, et au monde entier.
La communauté Bishnoï au Rajasthan apparaît comme précurseur. Défendant leurs arbres au prix de leurs vies, et s'opposant en 1720, aux soldats du Maharadjah du Jodhpur, les Bishnoïs et surtout les Bischnoïes obtiennent finalement un décret définitif qui sauve les arbres. Dotés d'une spiritualité élevée, strictement végétariens, ils suivent rigoureusement une série de préceptes visant à protéger toute forme de vie, seule attitude dont la dignité et la noblesse distinguent un véritable être humain.

Moi, la forme de Dieu, je suis présente en toute chose, laide ou superbe, visible ou invisible, et j'erre en ce monde, de la plus petite des particules à l'intégralité de l'Univers. Je suis présente dans le coeur de chaque créature et même dans les choses impossibles.


Ce n'est pas la première fois que je raconte des histoires d'arbres sur le famous blog. Je constate avec consternation qu'ils sont ici, là où je vis, tous les jours davantage sacrifiés, et disparaissent du paysage. Les maladies et les parasites de plus en plus agressifs ne sont pas les seules causes de leur disparition. La promotion immobilière galopante gagne du terrain, défriche les pentes des colline, et offre cyniquement le sinistre spectacle de lotissements nus, chichement ponctués d'arbrisseaux neurasthéniques incapables de dispenser la moindre petite ombre apaisante, hérissés de lampadaires faméliques plantés comme des clous méchants.
Les piscines prétentieuses ont raison des pins parasols que l'on coupe, stigmatisés à cause de leurs aiguilles incontrôlables qui souillent l'eau immobile, les platanes ont le mauvais goût de perdre leurs grandes feuilles généreuses à l'automne, qui jonchent le sol et engorgent les caniveaux, leurs racines puissantes soulèvent le bitume des chaussées. Et pour aggraver leur cas, leurs jolis fruits, boules serrées de graines velues, sont responsables d'éternuements chez les personnes sensibles. Leur ombre n'est plus une bénédiction, la climatisation apporte toute la fraîcheur nécessaire, et les parasols n'ont pas besoin d'être taillés.
Partout, les parkings s'étalent comme une maladie de la peau, dessinent de grandes plaques glabres, où les voitures garées carbonisent comme des steaks sur des plaques chauffantes. Inutiles, les arbres deviennent encombrants, salissants, menaçants. La mode est aux hybrides, des créations mesquines issues de manipulations complexes, maîtrisées, disciplinées, qui ne perdent jamais leurs feuilles clairsemées, pas assez denses pour abriter les oiseaux, leurs branches anorexiques ne chantent plus avec le vent, qui les ignore et passe sans s'arrêter, et leurs troncs calibrés, soutenus par des haubans pour résister au mistral, ont la mine anémiée de créatures improbables, incapables de tenir debout.




Mais je refuse de rester enlisée dans de sombres récriminations. Alors voilà un joli projet, si touchant, assorti à mon état d'âme, certes, mais chargé de la tendresse et de la poésie nécessaires pour m'élever au-dessus du marasme.
Steven Burke dessine sur les troncs d'arbres coupés, allongés sur le  sol, exactement sur la surface de coupe ronde qui dévoile le coeur de l'arbre, blessure vive odorante, un petit visage triste et pâle aux yeux clos. Je fonds.








  













Au moment d'éditer mon petit billet, je découvre que toute une bande de designers, installés à Tokyo, touchés peut-être par l'apparence ingrate des clous de menuiserie, ont décidé de leur venir en aide et de les relooker pour les rendre plus avenants. Les clous fleurs dessinés par Trico International s'exhibent sans complexe, charmants et drôles. Même tordus, courbant la tête, impossible de les arracher ! Et si je fonds encore une fois, je risque fort de me retrouver comme une flaque sur le carrelage, au milieu de laquelle surnagent mes vêtements détrempés.

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