La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

dimanche 6 novembre 2011

Bêtes à Bon Dieu




Quand j'étais enfant, Sainte Agathe me collait la frousse, avec son plateau sur lequel ses deux seins étaient sagement posés. Deux jolis mamelons, comme deux îles flottantes, qu'elle semblait vouloir absolument à offrir au dessert, sans s'apercevoir de l'incongruité de son cadeau, se livrant sans honte aucune à un strip-tease extatique et morbide. Les pâtissiers, émus par son geste, ont décidé de l'honorer et de créer la recette de ses tétons tout ronds, petits gâteaux rebondis ponctués d'une cerise confite. Ainsi, chacun peut se souvenir de Sainte Agathe en se léchant les babines, et c'est plutôt une bonne nouvelle, la gourmandise soignant plus efficacement le moral que l'effroi. Agathe ayant décidé très tôt de se consacrer à Dieu, elle refusa fermement les avances d'un prétendant puissant et jaloux qui se vengea de son audace. Mise au cachot, elle ne céda pas, et resta fidèle à son maître divin, même après que le bourreau lui ait arraché ses saints nichons à la tenaille. Agathe est montée au Paradis, et ses deux seins arrachés qui l'avaient amplement mérité l'ont accompagnée, solidaires de son illustre destin de sanctifiée pour les siècles des siècles.

RECETTE DES TETONS DE SAINTE AGATHE
                                                  
Très saints seins
Pour 6 petits nichons :
3 oeufs
75g de farine
75g de sucre
1 citron
1 pointe de sel
150g de sucre glace
1 blanc d'oeuf
2 c.c de vinaigre blanc ou jus de citron                                
Cerises confites
   


Râpez le zeste de citron et réservez. 
Tamisez la farine et réservez. 
Cassez les oeufs dans un saladier, fouettez avec le sucre. 
Placez le saladier dans un bain marie pour obtenir un mélange mousseux. 
Incorporez la farine petit à petit avec une cuillère en bois. Rajoutez les zestes du citron.
 Préchauffez le four à 180° ou th. 6. 
Répartissez la préparation dans des petits moules ronds et laissez cuire 15 mn.
Démoulez et laissez refroidir. 
Pendant la cuisson, préparez le glaçage. Mélangez à la cuillère en bois le sucre glace, le blanc d'oeuf, 
le vinaigre ou le jus de citron. 
Piquez les tétons d'une pointe de couteau placée en biais ( l'horreur continue )
et trempez les dans le glaçage. 
Déposez les sur une grille recouverte de papier cuisson,
posez une jolie cerise confite sur le dessus, et laissez durcir !!!!.

Blandine et les lions. Version expurgée.

J'avais un livre d'histoire à l'école qui racontait les persécutions subies par les premiers chrétiens, et qui citait comme exemple édifiant le martyre de Sainte Blandine. Ma mémoire conserve intacte les détails de cette terrifiante illustration du combat spirituel de cette jeune donzelle pure et très vaillante. Parce qu'elle s'entêtait, et ne voulait pas renoncer à sa foi, la douce Blandine fut livrée aux lions dans l'arène. Alors que les autres croyants jetés aux fauves étaient dévorés tout crus, elle fut épargnée ( cela s'appelle un miracle ! ) et les bêtes féroces s'assirent à ses pieds mignons, sur lesquels la poussière et le sang de ses compagnons d'infortune glissaient sans laisser de sinistres macules. Une image du livre montrait Blandine, drapée dans une longue robe blanche aux plis impeccables, les lions soumis bien sagement assis. Tout autour dans l'arène, des paquets sanglants figuraient les restes des chrétiens déchiquetés, petits tas informes qui me submergeaient de dégoût. Animée d'un fol espoir, je regardais Blandine, qui étrangement levait les yeux au ciel, comme si tout ce cirque l'ennuyait prodigieusement ! Fut-ce pour la punir de son manque d'intérêt affiché ( il est vrai que dans sa situation, elle devait se montrer davantage concernée ) mais Marc-Aurèle, empereur à l'époque, plutôt blasé question miracle, refusa de reconnaître ses talents de dompteuse. Alors que je la croyais sauvée, la pôvrette fut flagellée, rôtie sur un grill rougi au feu, imaginant l'aspect que la malheureuse pouvait bien présenter après un tel mode de cuisson, mon coeur se soulève, mais rien n'y fit. Elle persistait à vouloir rester en vie. Je t'en supplie, Blandine, accepte de mourir, je n'ai que 7 ans, tu ne peux pas continuer comme ça à m'infliger ton calvaire. Pour finir, entortillée dans un filet, elle fut jetée entre les cornes d'un taureau furieux qui eut ( enfin ! ) raison d'elle. C'est exceptionnel comme façon de mourir, et je reste confondue par la créativité des tortionnaires de son temps. Après un tel traitement de faveur, elle eut le droit d'aller au Paradis, où Dieu l'attendait sans impatience malgré le temps qu'il lui avait fallu pour le rejoindre ( et dans quel état elle arriva ! Est-ce qu'elle est restée comme ça pour l'éternité, carbonisée et sanguinolente, éclaboussant de vermillon la blancheur du Paradis, la ouate des nuages et les robes immaculées des anges ? ).
Pour aller au Paradis, il faut faire des choses invraisemblables, lécher les plaies des lépreux, garder un corps intact et sentir bon longtemps après la mort ( valable uniquement pour ceux et celles qui n'ont subi que des tortures intérieures ), se faire écorcher, découper en rondelles, frire, percer de flèches, et comme Sainte Catherine décapiter au sabre. Une charmante comptine raconte son histoire exemplaire.

Catherine était la fille, la zim boum boum, 
Catherine était la fille, la fille d'un méchant roi, voilà, voilààààààààà, 
Catherine était la fille, la fiiiiiiiiiiiiiiiille d'un méchant roi.

Catherine désobéit à son père, qui lui interdisait de prier. Je ne sais pas comment elle avait pu se mettre dans une situation pareille, mais il la surprit agenouillée au pied de la croix. Absorbée dans sa pieuse méditation, je suppose, elle ne l'entendit pas arriver, elle avait oublié de fermer la porte de sa chambre à clef, encore une téméraire qui devait gagner son Paradis, et qui mettait les bouchées doubles. Le père, possédé d'une ire royale, décida de la tuer sur le champ. Mais il n'était pas très doué pour les châtiments expéditifs, et dut s'y reprendre à trois fois. La première fois il la manqua, la deuxième il la blessa, et la troisième, la zim boum boum, la tête lui trancha. Avec un sabre, un coutelas gla gla ou une hache, les versions diffèrent. Tout ça sur un rythme joyeux et alerte ( endiablé ne saurait convenir à cette pieuse ritournelle ), pour enchanter les enfants innocents et les encourager dans la foi. Catherine Zim boum boum a aussi sa pâtisserie, qui célèbre davantage les marchés agricoles organisés au moment de sa fête, qu'un détail particulier de sa biographie : un petit cochon en pain d'épice, recouvert de chocolat, et qui arbore fièrement, planté dans son derrière, un petit sifflet en buis !
Moi, la couronne d'épines enfoncée sur le front du Christ, la lance plantée dans son flanc qui palpite, les crucifiés du Golgotha, dressés sur le ciel noir et menaçant, l'éponge de fiel, son sang qui ruisselle et Dieu son père qui l'abandonne au pire moment de sa vie, tout ça m'arrachait des sanglots. Je ne voulais pas que le Christ ait enduré tout ça pour moi, je me sentais coupable et affreusement triste, je n'avais pas envie de boire son sang par dessus le marché, ni me repaître de son corps à chaque messe. Et quand il ouvrait sa chasuble pour exhiber son énorme coeur rouge qui devait faire un boucan d'enfer, je ne pouvais pas le supporter. Quand on a essayé de me récupérer en me parlant d'amour, de compassion, de joie entre les joies, j'ai été incapable d'y croire. Rien n'a pu me consoler, ni me rassurer, dans ce monde effrayant où les anges entrent sans frapper parce qu'ils ont des choses graves à annoncer, où les buissons s'enflamment sans crier gare, où les amis trahissent dans un baiser, où de pauvres paysannes qui ont assez de soucis comme ça, se mettent à saigner des mains et des pieds, handicap majeur pour continuer à travailler dans les champs et nourrir une famille nombreuse qui crie famine. Pour aller au Paradis, il faut d'abord vivre l'enfer. Et en mourir.
Pour arriver à avaler ça, je devrais inventer une recette de gâteau, un enfer au chocolat noir, dégoulinant de coulis de fruits rouges, fourré d'amandes effilées comme des lames de rasoir, surmonté d'un paradis moelleux et fondant, nimbé d'un nuage de crème Chantilly, lumineux et pur.

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