La salle des pas perdus connut le même dénouement. Quelque part, un lieu affamé engloutissait les pas de ceux qui en foulaient le sol, un lieu où l'on marchait en vain sans trouver d'issue, où les traces s'effaçaient ! Je découvris que l'espace glouton n'était qu'un vulgaire vestibule où l'on trépigne, un passage anonyme que l'on traverse en se pressant, une salle d'attente où l'on fait les cent pas. C'était partout et nulle part, seule la démesure glaciale de l'endroit dominait, qui interdisait à chacun de s'y attarder, même pour reprendre son souffle.
Heureusement, l'initiative récente du designer Charles Kaisin a sauvé pendant quelques mois de la froidure polaire, la salle des pas perdus du Palais de Justice de Bruxelles. Sur une immense trame de fils rouges tissés au plafond, il a suspendu 10.000 origamis, des fleurs d'iris pliées dans des pages du code civil et pénal, un travail minutieux réalisé par des détenus de la prison de Saint Gilles. Un champs de fleurs virevoltait au-dessus des têtes au moindre souffle d'air, fragile kaléidoscope de papier, éphémère et ludique. Le passant étonné ralentissait sa course et s'arrêtait le nez en l'air. Le pas perdu n'était plus égaré, et reprenait son chemin après une halte récupératrice de forces nouvelles.
Poupon baveux |
J'aborde encore une fois la religion, pour évoquer l'ImmaTRIculée Conception. J'avais une dizaine d'années je crois, et j'ignorais tout du mot immaculée. J'ai cherché à faire mon arrogante, et mademoiselle je sais tout s'appropria le vocable inconnu en misant sur de vagues réminiscences qu'elle ne maîtrisait pas. Mon bricolage linguistique accrut ma perplexité. L'Immaculée Conception, mystère déjà complexe à appréhender si l'on n'est pas doté d'une foi solide, devenait une aberration pour l'entendement, affublée d'une plaque minéralogique. La Vierge Marie avait mis au monde le petit Jésus, jusque là je comprenais à peu près la situation, je refusais néanmoins les détails scabreux concernant le fruit de ses entrailles ( beurkkkkkkkk ! ), et le fait que Joseph était bien son mari, mais pas le père de son divinenfant. Le père, me laissais-je dire, bien qu'une telle révélation me heurta, le père était Dieu, qu'elle n'avait jamais rencontré mais qu'elle connaissait quand même. Soit, mais je mis davantage de temps à accepter que la maternité de Marie nécessitât qu'on la numérotât. Marie, première mère porteuse bénévole de l'Histoire, fallait-il l'identifier comme le saint véhicule qu'elle était ? Transportant Jésus dans son ventre sur des routes peu sûres, pouvait-elle s'égarer, et ainsi son matricule lui garantissait d'être identifiée, reconnue et protégée ? Je me rangeais à cette explication, somme toute satisfaisante, parce qu'elle rendait à Marie sa dignité et sa valeur, et à son miraculeux lardon sa qualité de colis exceptionnel.
Une dernière question me hante. Pourquoi dit-on, lorsque une conversation s'éteint et que le silence se fait, pourquoi dit-on toujours qu'un ange passe ? Et s'il passe, pourquoi ne s'arrête-t-il jamais ?
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